Notre amie Soazig, à l’origine de l’association, l’une des toutes premières, est décédée à l’aube de ses 41 ans, emportée par une maladie sans pitié.
Voici le texte prononcé le jour de ses obsèques : adieu, Soazig !
Très chère Soazig, l’association Chez Marie ressent avec consternation ton départ. Nos propres mots étant ici impuissants à traduire la désolation générale, nous te laissons la parole, avec les quelques phrases extraites du témoignage que tu as livré pour le livre Marie du Lou, dans un texte sensible que tu avais intitulé « Voyage de l’autre côté du pont ».
« Je monte l’escalier de pierre par la gauche et franchis le seuil du château […] Ma respiration saccadée des tensions quotidiennes se libère peu à peu et aère mes pensées […] Ma tête est remplie de sons, mes narines d’odeurs, mon regard d’images, si éloignés du présent. Je descends pas à pas les marches du château, dis au revoir à Marie et me dirige vers la maison d’en face, à la Basse-Cour. J’y habite depuis plus de trois ans.
Mon regard sur ma voisine et son lieu de vie a beaucoup évolué, en grande partie grâce à ce recueil de témoignages. Je constate combien sa vie est différente de celle d’hier et la comprends enfin quand elle me parle du passé : elle partageait son toit avec plusieurs personnes, les clients venaient nombreux et les berges du lac étaient convoitées par les pêcheurs.
Qu’en reste-t-il ? Plus de bêtes, hormis Brutus et un certain nombre de félins, de rares pêcheurs, quelques clients. Pour autant une simplicité demeure, liée à la personne de Marie. Son mode de vie, ses opinions et son regard sur le monde m’enrichissent. Quand elle évoque les prix toujours plus bas des grandes surfaces, la perte de la valeur des choses, une méfiance vis-à-vis des banques, la restriction des libertés individuelles via les politiques sur le tabac et l’alcool, le tout-sécurité, l’éducation des enfants, déplorant la fin de quelques limites fermes en contrepartie d’une grande liberté de mouvements et d’expérimentation, gage de leur autonomie future, je me dis que, décidément, entre elle et moi, il n’y a qu’un pont ».
Le 3 janvier dernier, Soazig, tu as lu, sans trembler, devant la tombe de Marie dans le petit cimetière du Lou, le poème de Victor Hugo, « Demain, dès l’aube… ». Pour la plupart d’entre nous, c’était la dernière fois que nous te rencontrions ; car, hélas, retrouvant notre vieille amie, tu as, trop peu de temps après elle, également franchi le pont.
Très chère Soazig, tu ne quittes pas nos coeurs ; mais que cette traversée du pont est douloureuse…